Banditisme et insécurité: Les enfants de la rue dictent leur loi à Douala

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L’interpellation de près de 130 enfants dans les rues du tumultueux Akwa et la saisie d’une importante quantité de chanvre indien, des lames de rasoir…et autres objets dangereux, jeudi 23 janvier 2014, par la police repose la problématique des «Nanga boko» dans la cité économique.

L’interpellation de près de 130 enfants dans les rues du tumultueux Akwa et la saisie d’une importante quantité de chanvre indien, des lames de rasoir… et autres objets dangereux, jeudi 23 janvier 2014, par la police repose la problématique des «Nanga boko» dans la cité économique. 


1- Insécurité grandissante 

Une importante quantité de chanvre indien, des lames de rasoir…et quantité d’objets dangereux. C’est ce qui a été saisi par la police, jeudi 23 janvier dernier dans les repères des enfants de la rue, communément appelés « Nanga Boko ». Très tôt ce jour-là, des policiers, armes aux poings, ont passé au peigne fin tous les lieux susceptibles d’abriter les enfants de la rue. Au cours des différentes descentes, 130 enfants de la rue ont été interpellés puis gardés à vue au commissariat central numéro 1 de la ville. Où ils ont été, tour à tour, auditionnés sur entre autres, la provenance de la drogue en leur possession. 

Cette interpellation, fait savoir un policier, a été faite sur instruction du préfet du Wouri. Paul Naseri Bea entend ainsi lutter contre le désordre et l’insécurité dans la ville de Douala, notamment dans le centre urbain. Selon des sources proches de l’enquête, les enfants de la rue s’approvisionnent auprès de grands dealers. « Ils sont en fait des relais. On leur donne une quantité qu’ils revendent et rétrocèdent le fruit de la vente aux patrons qui sont tapis dans l’ombre », confie l’une d’elles. Avant de poursuivre : « ces enfants opèrent à tout moment sous la barbe et le nez des passants. A l’aide des lames de rasoirs, ils dépouillent leurs victimes». A le croire, certains étaient sous l’effet des stupéfiants au moment de leur arrestation. 

Présentés comme de « redoutables délinquants », ils ont des lieux de prédilection connus de tous : ancienne direction des douanes, boulevard de la liberté, carrefours Idéal et Tif…et à la rue Mermoz. Aussi à l’entrée des boulangeries, des supermarchés et des superettes. 

La mauvaise réputation des enfants de la rue empire. Les larcins, les agressions, vols à la tire, fric-frac, « frappes », toutes les formes d’escroquerie sur le boulevard de la Liberté et les routes parallèles ou alentour… Tout cela est à l’actif des enfants de la rue devenus une grande menace pour la population. Comment ne pas se souvenir de cette époque où Douala bruissait de l’assassinat d’un Français dans les rues du tumultueux Akwa. Un acte justement imputé, par la presse aux enfants de la rue ou aux « nanga boko », ceux qui dorment à la belle étoile. «Alors que j’allais au super maché, je suis accosté par des badauds. Ces derniers m’ont molesté, torturé et dépouillé», se souvient une ménagère. « Nous ne sommes pas responsables de tout ce qui se passe dans Akwa en particulier. Bien souvent, ce sont des gars qui partent d’autres quartiers pour venir faire des mauvais coups ici. Et quand ça arrive, la police vient faire des rafles, elle prend tout le monde et même ceux qui n’ont rien à voir avec ces affaires. Nous sommes plutôt des proies faciles parce que les gens nous savent dans le besoin. Ils viennent nous voir pour toutes sortes de services. Des femmes viennent nous proposer de l’argent pour coucher avec elles, des hommes viennent aussi pour qu’on couche avec eux. Il y a aussi des gens qui veulent régler des comptes qui viennent nous demander d’aller casser la voiture ou la maison d’untel » ; se dédouanent les enfants de la rue. Qui prétendent être au courant de tout. 


2- Détourner du chemin de la délinquance 

D’après des témoignages concordants, les enfants de la rue ont plusieurs modus operandi. A défaut d’agresser ouvertement leurs victimes ou de le faire indirectement après demande d’un service rendu, ils provoquent des bagarres ou enveniment une discussion entre les clients d’un même établissement de commerce. Postés aux carrefours, d’autres abordent les passants pour demander l’aumône ou du feu. Une seconde d’inattention est fatale pour le « bon samaritain ». Les passants et tous ceux qui fréquentent le boulevard de la Liberté et les rues alentour ne sont jamais tranquilles. C’est bien connu, les automobilistes voient des rétroviseurs, des pots de phares et autres accessoires de véhicules disparaître comme par enchantement. « Ils ne sont souvent pour rien dans des histoires de meurtre. On agresse partout à Akwa. Ne me faites pas croire que ce sont uniquement les enfants de la rue. Douala est une ville de voleurs où le vol est une profession. Les enfants de la rue n’ont rien à voir avec tout ça. Nous les connaissons », les disculpent certains qui disent en savoir un bout sur les enfants de la rue. 

Après plus d'une dizaine d'années passées dans la rue, certains finissent par s’engager désormais à détourner les jeunes du chemin de la délinquance. C’est le cas du jeune Bassi qui raconte que ses débuts dans la rue furent un vrai calvaire. D’autres, après de longues années en prison regagnent la rue. 
A relever qu’il fut un temps où, à l’initiative de la Chaîne des foyers Saint Nicodème et de la regrettée religieuse Sœur Marie Roumy, la ville de Douala était divisée en 23 secteurs tenus par des centaines d’enfants de la rue dont l’institution caritative s’occupe, les encadrant et les réinsérant. « C’est en ces divers endroits qu’ils se débrouillaient à longueur de journée, pratiquant toutes sortes de petits boulots. Certains arboraient d’ailleurs des chasubles estampillées Saint Nicodème. Et chaque enfant de la rue est attaché à un secteur précis ». 


3. L’indifférence des administrations concernées 

«Il faut que les autorités de la ville de Douala se saisissent de ce phénomène qui est à mon avis un cancer social, une gangrène à extirper». Cette doléance est d’un cadre d’entreprise. Qui se demande ce que font les départements ministériels en charge des enfants de la rue, à savoir les Affaires sociales, la Jeunesse, l’Emploi et la formation professionnelle, quel rôle jouent les collectivités territoriales décentralisées, quelle est l’attitude des organisations de la société civile et pourquoi les entreprises dites citoyennes ne prêtent-elles pas une oreille attentive à ce problème qui prend de l’ampleur au fil des années. Inscrites aux abonnés absents, toutes ces administrations, constate-t-il, se détournent de l’ampleur du phénomène. Outre quelques cérémonies de remise de dons aux enfants de la rue à l’occasion de la journée mondiale de l’enfant africain qui se célèbre le 16 juin de chaque année, aucune action forte participant à leur réinsertion sociale n’est menée. Ce qui n’est forcément pas le cas des Affaires sociales qui, de temps à autre, mène des actions ponctuelles. Comme en février dernier où ce département ministériel avait permi à plusieurs enfants de regagner leurs familles, sur la panoplie recensée par les agents des services sociaux de la délégation régionale des Affaires sociales pour le Littoral. 

Catherine Bakang Mbock après avoir demandé à tous ceux qui sont concernés par cette approche une démarche positive, pour un suivi quotidien, avait insisté sur la responsabilité des parents et proches qui ont également un rôle majeur à jouer. En dehors des Affaires sociales dont des efforts supplémentaires sont attendus, d’autres administrations devront faire sienne la problématique des enfants de la rue.