Enfants disparus de Bolounga: Décès en prison d’un des sorciers présumés

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Ndonda Antoine, sorcier présumé, interpellé à la suite de l’affaire dite des 9 enfants disparus de Bolounga de janvier 2013, souffrait d'un cancer de la prostate et de la maladie de Parkinson. Il était emprisonné sans soins appropriés. Il a eu un zona à la prison et était interné à l’infirmerie d'où il est sorti quelques jours avant son audition programmée le 15 janvier 2014. Cette audition n’aura plus lieu. Il est décédé le même jour. Un an après sa mise en détention. 

Quelques jours avant sa mort, il a pris date avec sa conscience en se confessant publiquement dans sa cellule/infirmerie de la prison centrale d’Edéa, devant le régisseur et l’abbé Simon Blaise Bikok, aumônier de la prison principale d’Edéa. Il a ensuite réitéré la même confession par écrit le 31 décembre 2013. Ndonda Antoine était âgé de 75 ans. 

Un mois avant l’éclatement de l’affaire des 9 disparus de Bolounga, il venait de finir son mandat à la tête du conseil des anciens de Malimba. Il a mal pris son départ. Est-ce pour cela qu’il a dénoncé le chef du village et membre du conseil des anciens ? Il évoque dans sa "confession" : «la peur et la présence de diverses autorités qui se trouvaient devant moi lors de l’interrogatoire». La peur explique-t-elle qu’il ait dénoncé ses congénères comme étant responsables de la disparition par sorcellerie des enfants égarés dans la forêt ? 

Au delà de ce fait divers, Bolounga est au centre de la convoitise au sein du peuple Malimba. Sa majesté Ndoumbè Marcelin, chef désigné par les notables Malimba et adoubé par le conseil des sages, à maille à partir avec quelques élites de la localité, qui ont obtenu au forcing la désignation d’une autre personne à la chefferie supérieure Malimba. Les notables et sages des villages sont donc tiraillés par le pouvoir d’argent, pour faire barrière aux activités sociales de Janea Ndoumbè, notamment la célèbre régate annuelle qui transforme Bolounga le dernier samedi du mois de mars en un lieu de rencontre et de partage autour d’une fête agricole, sportive et culturelle. Une atmosphère de conspiration règne donc à l’intérieur du peuple malimba, atmosphère exacerbée par la disparition des 9 enfants. 

Réaction du gouvernement 

Bolounga n’a jamais vu autant de monde, militaires, gendarmes, hauts gradés, haute hiérarchie administrative régionale. Ndonda Antoine a donc disjoncté et selon ses confessions, il a accusé ses congénères, y compris lui-même, d’être a l’origine de la disparition des enfants en forêt. L’aveu est-il le roi des preuves? Le gouvernement était sur des braises et il fallait trouver des coupables. Les aveux de Ndonda Antoine ont été pris pour argent comptant et quelques malheureux vieillards ont été embarqués et jetés en prison pour pratique de sorcellerie. Depuis cette scabreuse affaire et malgré le retour de 8 des 9 enfants qui sont aujourd’hui pris en charge par le centre d’accueil et d’orientation pour mineur de Bepanda à Douala, les personnes arrêtées, pour la plupart du 3e âge, sont toujours détenus sans jugement et sans assistance judiciaire à la prison principale d’Edea depuis un an. On se souvient que vendredi 30 août 2013, neuf enfants âgés de 6 à 12 ans sont allés dans la forêt à la recherche des escargots et s’y sont égarés. Huit enfants ont été retrouvés le 5 septembre dernier et sortis de la forêt le 10 du même mois. 

La zone de Malimba est particulièrement pluvieuse et sa forêt abrite de nombreux marais et marécages à cause du relief particulièrement plat et des altitudes très faibles et voisines du niveau de la mer. Les quatre à cinq jours qui ont précédé la disparition des enfants, il n’avait curieusement pas plu à Malimba, les marais étaient pratiquement secs et le niveau d’eau avait sensiblement baissé dans les marécages : ce qui a pu conduire les enfants au-delà de leur zone habituelle d’exploration et favorisé leur égarement dans la forêt. 

L’épreuve a été dure et a créé de grandes fissures au sein de la population. Les vieilles rancunes accumulées au cours des ans ont trouvé leur exutoire dans cette affaire où l’irrationnel a pris une place prépondérante au détriment d’une analyse froide de la situation. Si les enfants se sont perdus et ont été retrouvés à plus de 5 kilomètres de leur village, il faut noter que pendant les battues les enfants entendaient au loin les sons des sifflets, des tams-tams et des ‘vuvuzelas’ dont se servaient les équipes de secours pour les retrouver. Du fait de la fatigue, ils n’arrivaient pas à se signaler de manière à se faire repérer. Toutefois, il semble que les recherches n’ont pas atteint la zone où ils se trouvaient. Il est aussi constant que les enfants sont revenus conscients, parlant, et n’ont évoqué aucun phénomène anormal ou paranormal. 

Signalons que la réaction du gouvernement par l’entremise d’Issa Tchiroma a contribué à ajouter à la psychose au village Bolounga. Mais aussi dans l’opinion publique plus friande des faits paranormaux. Soulignons aussi que les autorités administratives avaient ordonné que tous les services soient mobilisés, pour que des recherches intenses soient menées, que les enfants portés disparus soient retrouvés, et surtout « que les éventuels auteurs et autres responsables de cet acte immonde soient identifiés, mis aux arrêts et déférés devant la justice ». L’arrestation des malheureux vieillards sur la base des témoignages et des dénonciations sans preuves ont installé une atmosphère de vendetta dans la localité déjà minée par la pauvreté et l’analphabétisme. A qui profite ce désordre ? 

Edking 

Focal: Personnes interpellées depuis le 2 février 2013 et en détention à la prison d'Edéa 

  • Ndonda Antoine, ancien président du conseil des sages de Malimba, 75 ans, interpellé à Mouanko aujourd’hui décédé en prison. 
  • Ikode André interpellé à Mouanko 
  • Djengue Christian (notable Bolounga) interpellé à Mouanko 
  • Edimo Henri (notable Bolounga, représentant du chef) à Mouanko 
  • Edongue Benjamin (chef du village Bolounga) interpellé le 03/09/2013 à Mouanko 
  • Eboumbou François (notable Bolounga) interpellé plus tard alors qu'il voulait se rendre à Douala. 
  • Manyaka Madeleine interpellée à sa sortie d'hôpital