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Violence verbale: Ces mots qui se transforment en machettes

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La violence verbale, même en haut lieu, tend à devenir un syndrome collectif au Cameroun, et il faut en guérir. Car la violence des mots annonce celle des machettes. L’Afrique vient de commémorer une page triste de son histoire contemporaine, celle du génocide rwandais qui a vu des concitoyens passer de la haine interethnique à la boucherie humaine dans un pays que l’on disait chrétien à 95%. Jusqu’aujourd’hui on se demande comment une charcuterie d’une telle violence a pu avoir lieu entre des êtres humains, parfois au sein d’une même famille entre mari et femme. Beaucoup d’hypothèses ont été formulées, mais ne nous y trompons pas, en définitive, il s’est agi d’une haine interethnique longuement nourrie et politiquement instrumentalisée qui, dans des circonstances favorables, s’est exprimée par la machette. Oui, ne nous y trompons pas, ce n’est surtout pas parce que les Rwandais étaient ou sont plus «méchants» que les Camerounais. 


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P. Ludovic LadoEn République Centrafricaine, non loin de nous, on voit les Seleka et les Anti-Balaka manier la machette avec une légèreté qui donne la chair de poule. Ce sont des êtres humains comme vous et moi dont l’esprit a simplement été obscurci par la haine qui se construit d’abord dans la tête avant de trouver une expression au bout de la machette. Et elle se construit justement par des discours de haine qui stigmatisent des communautés entières. Pour l’instant au Cameroun, de la rue au sommet, nous armons l’esprit. Nous jouons avec le feu de la violence de mots qui annonce celle des machettes. Ce serait s’illusionner que de se croire à l’abri de telles dérives. Nous sommes sur la mauvaise voie et il faut tirer la sonnette d’alarme. 

Poser le problème de la transition politique au Cameroun en termes de relais ethnique, comme le font certains au nom du réalisme, est une piste dangereuse qui vise à légitimer le concept tout aussi malheureux de « pays organisateur » qui participe de la même logique. Pourtant on ne le dira jamais assez, ceux et celles qui ont mis le Cameroun à genoux aujourd’hui se recrutent dans toutes les ethnies. Aucune ethnie en particulier n’est responsable de la situation malheureuse de notre pays. C’est un club d’ « amis » qui mangent, condamnant le reste de Camerounais, toutes ethnies confondues, aux miettes. Aussi, les intégristes se recrutent dans toutes les ethnies et dans toutes les couches sociales, de la base au sommet. C’est toujours une maladie de l’esprit de stigmatiser toute une ethnie à cause des égarements de l’un ou l’autre de ses membres. Et elle sait se déguiser en rationalisations.

 

En cette matière, bien évidemment, mieux vaut prévenir que guérir. Et chacun de nous doit assumer ses responsabilités, surtout les leaders. Platon nous a rappelé que la foule ne réfléchit pas et il suffit d’un tribun obscurantiste de la trempe d’Hitler pour la transformer en horde meurtrière. En propageant à travers les médias, surtout les médias sociaux, des idées qui stigmatisent et polarisent des ethnies, nous préparons des massacres. Ce que certains appellent débats ne sont en réalité qu’un prétexte pour cracher le venin de la haine ethnique. C’est un sport dangereux auquel nous habituons la jeunesse en créant une culture du débat par l’insulte et le dénigrement des personnes et des communautés. 

En son temps, nous avions plaidé pour une journée nationale de lutte contre le tribalisme au Cameroun, une journée au cours de laquelle les Camerounais célébreront leur diversité comme une richesse. Malheureusement pour l’instant nous prêchons au désert. Cependant, sachons-le, nous jouons avec le feu. Nous devons barrer la voie à la violence au Cameroun par tous les moyens et pour cela il faut que les amis de l’unité se mobilisent pour dire non au discours de la stigmatisation ethnique qui arme les esprits. Il n’est pas encore tard !

Par P. Ludovic Lado, Jésuite
Journal du Cameroun

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