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La pauvreté alimente l’islamisme dans le nord du Cameroun

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Nafisa Isa n’a plus de maison depuis que son village dans le nord du Cameroun a été inondé après la rupture d’une digue; elle vit désormais dans un camp avec ses deux enfants, sous la menace de la famine et du paludisme.

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Et pourtant, elle ne réclame pas de soins mais une mosquée.

“Seul Dieu peut nous sauver, nous devons donc prier. Il nous faut un endroit pour prier”, dit cette mère de 38 ans.

La clinique la plus proche, à une journée de marche, est à court de médicaments. Les traitements distribués par le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) à proximité du camp sont saisis par des fonctionnaires sans scrupules qui les revendent ensuite à des mères désespérées, affirme Nafisa Isa.

Comme elle, de nombreux habitants du nord du Cameroun, majoritairement musulmans, se sentent abandonnés par le gouvernement à Yaoundé, dans le sud chrétien du pays où Paul Biya est installé depuis 1982 dans le fauteuil de président.

Cette négligence du pouvoir central, conjuguée à une décennie de sécheresse et de conflits, a favorisé le développement de la pauvreté et du radicalisme islamique dans le nord du Cameroun, où vit environ un cinquième de la population du pays, soit quatre millions de personnes.

BOKO HARAM

“C’est un phénomène qu’on constate à travers tout le Sahel. Beaucoup d’habitants ne veulent pas d’hôpitaux ni d’écoles, ils veulent des mosquées et des madrassas”, souligne Nicolas Le Guen, coordinateur sur le terrain du service d’aide humanitaire de l’Union européenne (ECHO). “Cela signifie qu’ils ont davantage foi en Dieu qu’en l’Etat et ce sentiment est amplifié en période de crise.”

L’organisation nigériane Boko Haram, qui a fait des milliers de morts dans sa lutte armée pour imposer la charia au Nigeria, a étendu ses activités au nord du Cameroun, où ont été enlevés une famille française, relâchée ensuite, en février puis un prêtre français ce mois-ci.

La prise du nord du Mali en 2012 par des combattants islamistes alliés à des rebelles touaregs a fourni une autre illustration de la capacité de ces groupes religieux, et parfois criminels, à profiter d’un vide du pouvoir dans certaines régions de cette partie de l’Afrique.

“La région du bassin du lac Tchad avec le Niger, le Cameroun et le Nigeria est gravement sous-développée”, relève Elizabeth Donnelly, responsable adjointe du programme Afrique à Chatham House, un cercle de réflexion basé à Londres.

“Vous pouvez regarder les conditions politiques, la pauvreté, la corruption, la sécurité et l’absence de justice et constater comment tout cela peut fermenter en un sentiment de privation de tout droit. Le risque dans tous les endroits sans autorité, c’est ce qui va remplir ce vide”, ajoute-t-elle.

POLARISATION

Le nord du Cameroun affiche les pires indicateurs de développement du pays.

“L’accès à des soins et à une éducation de qualité est directement proportionnel à l’accès au pouvoir”, dit Nicolas Le Guen. “Comme le fossé se creuse entre le nord et le sud (du Cameroun), il finira par arriver quelque chose, comme cela a été le cas dans le nord du Nigeria.”

Plus que la religion, l’appartenance ethnique pourrait devenir un facteur essentiel.

“Il y a une polarisation évidente entre le nord et le sud en termes de développement mais des tensions émergeront plus probablement en raison de différences ethniques que religieuses”, prévient un expert du groupe de consultants Africa Practice, en relevant des tensions entre les Peuls du nord et les populations du sud.

Souleymane Kanon, de l’Unicef, souligne que les hôpitaux et les écoles sont rares et en mauvais état dans le nord du Cameroun. D’après une étude de 2011, 18% des ménages du Nord souffrent de malnutrition contre une moyenne nationale inférieure à 10%, et seulement 30% des enfants sont vaccinés contre 52,1% sur l’ensemble du pays.

“On a les installations médicales mais nous manquons de médicaments, d’équipements et de personnel”, dit Dama Kadjou, l’un des rares médecins de la région. “Les médecins vont généralement dans la capitale pour avoir une meilleure formation, une meilleure vie et un meilleur salaire.”

Beaucoup de musulmanes dans le nord du Cameron sont mariées alors qu’elles sont encore de jeunes filles, ce qui les prive d’accès à l’éducation et accroît la mortalité maternelle et infantile.

“En termes d’objectifs du millénaire pour le développement, le nord (du Cameroun) est vraiment loin derrière”, constate Souleymane Kanon.

Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser

REUTERS

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