L’idée reçue. Malgré l’abondance d’informations sur la sexualité, nous sommes encore victimes de préjugés qui peuvent compliquer notre vie sexuelle. Chaque mois, Catherine Blanc, sexologue et psychanalyste, remet à sa place l’une de ces croyances.
Les hommes et les femmes appréhendent leur excitation différemment et dès lors ne sont pas attirés par les mêmes stimuli. Dans son enfance, le jeune garçon expérimente la pulsion sexuelle au travers de la manipulation de son pénis. Il associe naturellement au désir et au plaisir rencontrés l’information visuelle qu’il a de son sexe.
Dans ce même temps de découverte manuelle, la petite fille, elle, ne trouve pas les réponses ou les appuis visuels que connaît le garçon. Elle n’en est pas moins riche pour autant, puisque ses sensations internes l’invitent à l’intuition. Les hommes ont donc une certaine propension à lier l’excitation sexuelle à la vue alors que les femmes vont préférer l’imaginaire. On peut donc comprendre l’intérêt accordé à la pornographie par les uns, quand les autres, loin d’être plus prudes, lui préféreront l’érotisme. Mais elle peut provoquer de l’excitation chez l’un comme chez l’autre, et ainsi contribuer à un jeu entre partenaires.
Pourquoi ?
Le problème se pose quand le recours à la pornographie devient systématique, entraînant une forme d’addiction à l’image, quand l’homme y a recours pour réveiller une excitation qui, sinon, n’existerait pas. La question qu’il convient alors de se poser est : pourquoi sa libido n’arrive pas à s’éveiller autrement ? Ce n’est pas la pornographie qui est le centre de cette réflexion, mais ce qu’elle révèle. Pourquoi sa pulsion sexuelle se porte-t-elle sur une caricature de la sexualité et pourquoi n’arrive-t-il pas à la même chose avec la personne pour laquelle il élabore du sentiment et de l’émotion ?
Le bouclier virtuel
L’homme qui va de cette manière vers la pornographie pour booster sa libido rend compte de sa difficulté à mêler excitation et plaisir de la rencontre, liberté des émotions et liberté des sentiments. Lorsqu’il y a difficulté dans la relation ou idéalisation (« Je ne peux pas demander une fellation à ma femme, c’est la mère de mes enfants… ») et que la pornographie devient le seul moyen d’excitation, l’homme prend alors le risque que la dépendance à l’image creuse un fossé de plus en plus grand entre lui et sa partenaire, entre ses attentes et ses possibilités. Plus l’excitation sexuelle se fait au travers du modèle pornographique, moins elle colle à la réalité de la rencontre avec une femme, et plus l’angoisse de performance ou le doute quant à sa virilité se fera ressentir.
Oser son désir
Il y a dans l’addiction à la pornographie l’expression d’une peur de la sexualité, un handicap à l’expression du relationnel et des émotions, et une vraie difficulté à être responsable de son désir. Ce qui fait la richesse et la puissance de la sexualité, c’est la capacité à faire avec soi et faire avec l’autre, c’est la capacité d’oser le « danger » de la rencontre, à savoir les émotions, les sentiments, les loupés, les tiraillements entre désir et culpabilité que la pornographie voudrait littéralement effacer.