NEUROSCIENCES - Le désir sexuel humain peut se lire dans le cerveau : il se traduit par l'activation ou l'inactivation de zones qui sont globalement les mêmes quels que soient le sexe ou l'orientation sexuelle des personnes concernées, selon le chercheur Serge Stoléru.
Ces nouvelles connaissances pourraient permettre un jour de mieux cerner les troubles de la sexualité, notamment chez les délinquants sexuels comme les pédophiles.
Tous les humains réagissent de la même façon. La seule chose qui change sont les stimuli visuels qui provoquent ces réactions qui n'interviennent pas toutes en même temps: photos érotiques de personnes du sexe opposé ou du même sexe, selon les goûts.
Observation en temps réel
"Même s'il peut y avoir des variations d'une personne à l'autre, on retrouve les mêmes grandes lignes" explique à l'AFP le docteur Stoléru, qui dirige au sein de l'Inserm le seul groupe de recherche consacré au désir sexuel en France.
Ses travaux ont été grandement facilités ces quinze dernières années par les progrès de la neuro-imagerie, avec des techniques telles que la tomographie ou l'IRM fonctionnelle (imagerie par résonance magnétique) qui permettent d'obtenir des vues en 3D de l'activité du cerveau.
"On ne peut pas montrer une pulsion mais on peut voir les modifications qui se passent dans le cerveau au moment de l'excitation", explique le psychiatre, un des spécialistes participant à la semaine du cerveau (11 au 17 mars).
Plusieurs zones stimulées
Mais le désir sexuel n'est pas une entité homogène, il fait intervenir diverses composantes telles que l'aspect cognitif, mais également l'émotion et la motivation et les réactions physiques, qui sont associées chacune à l'activation de plusieurs régions spécifiques du cerveau.
Lorsqu'une image érotique est présentée, c'est ainsi le cortex orbito-frontal, au-dessus de l'oeil, qui s'active. Il en va de même pour l'imagination des gestes érotiques qui est associée à l'activation d'autres régions des lobes frontaux. L'émotion sexuelle passe en revanche par les deux amygdales, des parties du cerveau qui nous permettent de ressentir ou de percevoir des émotions.
Au-delà des régions du cerveau qui s'animent, le chercheur a également observé des zones - comme certaines parties des lobes temporaux et du cortex frontal - qui s'éteignent sous l'effet de stimuli érotiques et se rallument ensuite.
Des zones allumées ou éteintes
Constamment éteintes, ces régions entretiennent l'excitation sexuelle, ce qui se produit dans certaines pathologies, comme des tumeurs du lobe temporal ou lors d'une épilepsie démarrant dans ces zones. On assiste alors à des phénomènes d'hyper-sexualité, comme celui d'orgasmes spontanés.
A l'inverse, lorsqu'elles sont constamment activées, ces zones entraînent une forte diminution ou une absence de désir sexuel.
Les chercheurs sur ce sujet restent peu nombreux à travers le monde, avec des équipes qui travaillent notamment en Allemagne, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, au Canada, en Chine et en Corée du sud, en plus de l'équipe de monsieur Stoléru.
Démasquer les pédophiles?
Son équipe étudie également les délinquants sexuels, notamment les pédophiles. Les rares études qui existent suggèrent que leur cerveau répond à des photos d'enfants par une activation des mêmes zones du cerveau que chez une personne attirée par un adulte, et qu'il s'agirait de "réponses cérébrales automatiques, non délibérées".
Un chercheur allemand, Jorge Ponseti (université de Kiel), qui a travaillé sur le sujet affirme même pouvoir, grâce à la neuro-imagerie du cerveau, distinguer une personne attirée par les enfants avec un risque d'erreur de 5%, mais le docteur Stoléru reste très prudent quant à l'utilisation éventuelle de ces travaux devant les tribunaux.
"Cela ne signifie pas que la personne qui a cette activation du cerveau va passer à l'acte, ni que celle qui ne l'a pas ne passera pas à l'acte" relève-t-il, avant de lancer un appel pour que les troubles de la sexualité fassent l'objet d'un plus grand nombre de recherches.