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Pourquoi les pays émergents se lancent dans la conquête spatiale

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L’Inde a lancé mardi une sonde en direction de Mars afin d’observer l’atmosphère de la planète rouge. D’autres pays en développement comme la Chine, la Russie et le Brésil, se sont déjà tournés vers l’espace. Explications.

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“Mangalyaan” signifie “engin martien” en hindi. C’est le nom de la sonde que l’Inde a lancé, mardi 5 octobre, en direction de la planète rouge. Cet appareil devra observer l’atmosphère de Mars pour mesurer la présence de méthane, ce qui accréditerait l’hypothèse d’une forme de vie primitive sur cette planète.

L’Inde n’est pas le seul pays émergent à s’être lancé dans la conquête spatiale. Les BRIC (acronyme de Brésil, Russie, Inde et Chine, pour désigner les principaux pays en développement) ont investi l’espace depuis de nombreuses années et nourrissent d’importantes ambitions. Francetv info explique les raisons de leur appétit.

Briller à l’international

La puissance d’un Etat ne se mesure pas uniquement à son Produit intérieur brut (PIB), estime Alain Dupas, ancien chargé de mission au Centre national des études spatiales (Cnes) dans son livre La Nouvelle Conquête spatiale (éditions Odile Jacob, 2010). Selon le spécialiste, “la richesse par habitant, le niveau culturel et technologique, la force militaire sont d’autres facteurs essentiels”. Et pour lui, “ce n’est que par le niveau technologique que les nations économiquement avancées pourront conserver leur compétitivité et leur position dominante dans les industries stratégiques (secteur de l’information, de l’énergie, de la défense et, bien sûr, de l’aérospatial)”.

Les pays capables de lancer des engins dans l’espace ne sont qu’une poignée. Et figurer sur cette liste est synonyme de progrès et de prestige international. “Les Chinois et les Indiens assimilent le développement technologique et scientifique au spatial”, expliquait au Journal du Dimanche, en 2008, Isabelle Sourbès-Verger, directrice de recherche au CNRS et co-auteur de Un Empire très céleste, la Chine à la conquête de l’espace (Dunod). “Ils veulent détenir le label et montrer qu’ils ont acquis les connaissances et la maturité technologique nécessaires”, a-t-elle ajouté.

Le mois prochain, la Chine compte envoyer sur la Lune un robot monté sur six roues pour creuser le sol et prélever des échantillons. Une première étape avant qu’un Chinois foule le sol de notre satellite naturel. Pourquoi y retourner ? Pour Alain Cirou, directeur de la rédaction de la revue Macrocosme, l’intérêt n’est pas scientifique. Les Chinois veulent reproduire un exploit jusqu’ici uniquement réalisé par les Américains. Ils veulent ”faire la démonstration qu’ils sont une grande nation”, a-t-il estimé dans l’émission “C à dire” (vers 8’20) sur France 5, en 2012.

Booster la fierté nationale

Le prestige international, induit par la conquête spatiale, s’accompagne généralement d’une poussée de fierté nationale. Par exemple, à chaque nouvel exploit récent, la Chine a créé l’événement dans ses frontières.

En 2003, Pékin fait sensation en envoyant le premier Chinois dans l’espace. “C’était quarante ans après les Russes et les Américains, il n’empêche : lorsque vous envoyez ainsi un bonhomme faire 14 fois le tour de la Terre dans une capsule, l’impact sur la population est immense !”, souligne Sylvie Callari, directrice des affaires internationales au Centre national des études spatiales (Cnes) dans un dossier spécial du Cnes Jeunes.

En 2008, alors que la Chine réussit la première sortie d’un “taïkonaute” dans l’espace, Le Figaro estime que ”le sentiment de fierté nationale [en Chine] est renforcé”. Et en 2012, Liu Yang, la première Chinoise envoyée dans l’espace, est devenue une“héroïne nationale”, selon Sciences et Avenir.

Et la fierté nationale dépasse les difficultés économiques parfois vécues par certaines catégories de la population. “Quand certains disent que les Indiens les plus pauvres préféreraient que l’on construise des hôpitaux plutôt que d’envoyer des fusées dans l’espace, ils n’ont pas entièrement tort. Mais les Indiens les plus pauvres sont fiers aussi d’appartenir à un pays qui compte parmi les puissances spatiales”, selon Gopal Roaj, auteur de Histoire du programme spatial indien, rapportait RFI, en 2009.

Accompagner le développement économique

Aujourd’hui, il est difficile de se passer de satellites. On ne s’en rend pas forcément compte mais ils jouent un rôle essentiel dans notre quotidien : les GPS, les téléphones portables ou encore les retransmissions télévisées se font grâce à ces engins qui tournent au-dessus de nos têtes. Le recours aux satellites accompagne le développement technologique et économique des pays émergents.

“Dans des pays aussi vastes [que la Chine ou l'Inde], un satellite permet d’établir des réseaux de téléphonie plus facilement et moins cher que par voie terrestre. Il permet d’informer les agriculteurs des prévisions météo, des cours des fruits et légumes. Il permet d’anticiper des catastrophes naturelles, mais aussi d’organiser du télé-enseignement dans les bourgs isolés”, indiquait RFI, en 2009.

L’Inde est réputée pour son réseau de télémédecine. Le pays compte près de 200 hôpitaux reliés entre eux par satellites. Grâce à ce dispositif, les chirurgiens réalisent des diagnostics à distance ou forment des médecins dans des zones isolées.

Nourrir un programme militaire

L’orientation du développement spatial indien est essentiellement civile. Nehru [l'un des chefs de file de l'indépendance indienne] rêvait de mettre la science et la technique au service de la pauvreté. Ce souhait a été concrétisé, en 1969, avec la création de l’Isro, l’organisation indienne de recherche spatiale, selon Alain Dupas.

En Chine, la situation est différente. Selon les experts, c’est l’armée qui pilote le programme spatial et en bénéficie. Contacté par francetv info, Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), le confirme : “Une grande partie du programme spatial chinois est militaire. Il concerne notamment les communications, la reconnaissance terrestre, la localisation en mer. L’intérêt scientifique est là mais il est difficilement dissociable de l’orientation militaire.”

Attirer le marché des lanceurs de satellites

“Seule la possession d’un lanceur et d’un pas de tir peuvent assurer l’autonomie nationale”, relevait le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en 2012, dans une étude comparée (PDF) de la stratégie spatiale des pays émergents. A long terme, cette autonomie permet à un pays de réaliser des économies sur ses propres lancements. Mais elle est aussi susceptible de séduire ceux qui ont besoin de satellites et de les placer en orbite. Par exemple, un pays peut avoir une technologie assez développée pour fabriquer des satellites mais ne pas disposer des moyens nécessaires pour l’envoyer dans l’espace. Au total, le marché mondial de la construction et du lancement de satellites pèse plus de 200 milliards de dollars par an (148 milliards d’euros). Un secteur qui ne cesse de croître, avec les besoins croissants de pays pauvres qui ne sont pas encore équipés de réseaux de télécommunication performants, selonLes Echos.

Si le lanceur européen Ariane reste le plus fiable, le secteur s’est durci, selon Jacques Villain, ingénieur, spécialiste de l’histoire de la conquête spatiale, interrogé par Atlantico. Les lanceurs spatiaux sont arrivés à maturité et maintenant “les chercheurs essayent de faire le plus simple et le plus économique possible”.

Dans ce contexte, le marché se déplace. Connus pour leurs stratégies low cost, l’Inde et la Chine se présentent comme des alternatives. Ainsi, en 2012, pour la première fois, la Chine a lancé plus de satellites que les Etats-Unis, avec 19 engins mis en orbite, a rapporté l’ambassade de France en Chine en juillet 2013. Son objectif est d’atteindre les 15% de parts de marché en 2020, contre 3% à l’heure actuelle. L’Europe s’est alors mise au diapason du marché avec la fusée Ariane 6. Résultat, celle qui doit assurer la relève d’Ariane 5 à l’horizon 2021 est basée sur une optimisation des coûts, analyse Challenges. Voici un aperçu en images de synthèse.

Dans cette compétition entre pays émergents, tous ne sont pas au même niveau. Héritière de l’Union soviétique, la Russie fait partie des grandes puissances spatiales mondiales, avec les Etats-Unis et l’Europe, selon Jean-Vincent Brisset, interrogé parAtlantico, en 2012. De son côté, la Chine enregistre une nette avance sur les autres. Les Chinois souhaitent même maintenant se doter d’une station orbitale, semblable à la station spatiale internationale (ISS), d’ici 2020. Le Brésil, lui, a été ralenti dans son programme après la mort de 21 ingénieurs et techniciens, en 2003. Une fusée de conception brésilienne a explosé peu après avoir décollé du Centre spatial d’Alcantara. C’était la troisième fois que le pays tentait d’envoyer un satellite dans l’espace en utilisant son propre appareil.

D’autres nations, moins développées, sont tentées par l’espace. Parmi elles, l’Iran et le Pakistan. Mais on trouve également des pays africains. Slate Afrique a rappelé, en 2012, que le Nigeria avait mis en orbite son premier satellite en 2003, et que le Ghana a ouvert le Centre ghanéen des technologies et des sciences de l’espace.

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