Aéroport de Bujumbura : quelques minutes après l’arrivée de l’adolescente accueillie par le Commandant de la police des mineurs.
« Si la société voyait que ces jeunes qui se prostituent comme des victimes d’un trafic mais pas comme de mauvaises filles, ce serait un grand pas vers la réduction de ce trafic», clame Florence Boivin Roumestan, présidente de la fondation Justice et Équité …
L’ado de 16 ans vient de l’échapper belle
Ce 8 octobre dans l’après midi, c’était avec beaucoup d’émotion qu’une adolescente a retrouvé sa famille après un mois passé à Oman. Elle était partie pour devenir domestique. L’argent qu’elle aurait gagné lui aurait permis de continuer ses études. Elle raconte qu’après quelques jours dans ce pays, le chef de ménage lui a fait des avances. L’adolescente a refusé. Elle a fait une grève de la faim. C’est grâce à une compatriote rencontrée dans la famille qui l’a accueillie qu’elle a pu joindre, par téléphone, une de ses amies. Elle lui a parlé des conditions dans lesquelles elle vivait et du harcèlement sexuel. Cette dernière a alerté la police et des associations des droits de l’homme.
Des proches de la jeune fille et ceux de la famille la famille d’accueil à Oman qui vivent à Bujumbura, ont été arrêtés pour raison d’enquêtes. Finalement, l’ado a pu être rapatriée deux semaines après l’alerte. La police indique que les coupables vont être traduits devant la justice.
Des adolescentes quittent le toit parental avec la promesse d’avoir un bon travail, de fréquenter une meilleure école. Arrivées en ville, elles sont enfermées dans des maisons et contraintes de se prostituer.
C’est le cas de N. M, une adolescente de 15 ans. Une amie de la famille est venue la trouver chez elle, lui promettant de lui trouver du travail: « Quand je suis arrivée en ville, elle m’a dit qu’ici on ne cultive pas. Pour manger, il faut travailler. Donc, se prostituer ». La jeune fille appelle l’amie de la famille tendrement « maman ». Elle lui a montré la façon de gagner rapidement beaucoup d’argent pour acheter vêtements et lotions pour sa peau. La « maman » se charge de chercher des clients et négocie le prix. Le partage du profit est équitable : « Si je gagne 2.000 Fbu, elle garde mille pour nous restaurer et me donne le reste. »
Un trafic sexuel sans frontières
Un trafic sexuel transfrontalier se fait dans l’ombre et peu de gens osent le dénoncer. Les pays arabes sont des destinations prisées par les trafiquants.
Christine Nsabiyumva, commandant de police de mœurs et de la protection des mineurs rapporte que, ces trois dernières années, 2 adolescentes ont été récupérées de Tanzanie, 9 du Rwanda. Florence Boivin Roumestan elle parle d’une soixantaine de femmes et enfants burundais récupérés par Interpol au Kenya. Ils étaient supposés avoir du travail à Nairobi mais étaient sur le point d’être « vendues » en Australie. Elle indique aussi le cas de jeunes filles qui devaient aller à une rencontre spirituelle en République Démocratique du Congo, et qui ont été vendues à Oman. Trois ont pu s’échapper.
Les trafiquants usent de la ruse et leurrent les victimes : fausses annonces, promesses de travail, bourses d’études à l’étranger…
Puis, elles sont vendues comme esclaves sexuels pour la prostitution ou pour tourner dans des films pornographiques, employées comme danseuses nues, etc.
Un trafic qui se fait surtout vers les pays arabes
Une fois prises au piège, leurs passeports sont confisqués. Christine Nsabiyumva signale que souvent, avant de partir, elles sont soumises à des examens médicaux notamment : dépistage du sida, test de grossesse et de tuberculose. Selon elle, la communauté musulmane du Burundi est la plus touchée. Ce trafic se fait surtout vers les pays arabes particulièrement au Liban et Oman.
Pour venir à bout de ce trafic, Mme Christine Nsabiyumva explique que la police des frontières et celle chargée d’octroyer des documents de voyage, et des juristes vont être sensibilisés et formés. Elle demande l’apport de tout le monde : « Que chacun se sente concerné ! Nous ne pourrons pas venir à bout de ce trafic si les gens continuent à se taire ! »
« Je croyais devenir une nounou »
Même cas pour J. G, originaire de la province de Kayanza. Venue en ville pour chercher du travail, une bienfaitrice l’héberge : « Je croyais que j’allais être la nounou de ses enfants mais elle attendait autre chose de moi. Elle me disait qu’elle ne peut pas continuer à me nourrir indéfiniment » C’est ainsi que la jeune fille a été initiée à la prostitution. Elle raconte que des mois plus tard deux autres adolescentes, recrutées par la dame, sont venues la rejoindre.
Visiblement, ce trafic est fait majoritairement par des femmes. Elles se font passer pour des bienfaitrices. Le plus souvent, elles coupent tout contact avec la famille d’origine des jeunes filles : « Elles torturent leurs victimes mentalement et physiquement pour que ces enfants soient entièrement dociles et obéissantes », déplore Florence Boivin Roumestan.
Iwacu