Pour la célébration des cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification, l’Université de Dschang (UDs) ne s’est pas illustrée seulement dans les cérémonies festives à travers le pays le 20 février dernier. Sa participation reposait avant tout sur un fond de pensée issue des actes du colloque de Dschang tenu du 10 au 12 mai 2010 sur le thème« cinquantenaires de l’indépendance et de la Réunification du Cameroun – Bilan, enjeux et perspectives ». Cet ouvrage édité aux Presses de l’Université de Dschang (PUD) et fabriqué à l’Imprimerie Sopecam à Yaoundé a été publié fin 2013 dans un contexte de préparation de la célébration à Buea (Sud-Ouest) de la réunification des deux Cameroun (francophone et anglophone) le 01er octobre 1961. En plusieurs moments et à travers diverses thématiques (politique, économique, social, etc.), les chercheurs, sous la direction du Pr. Anaclet Fomethe, par ailleurs recteur de l’Université de Dschang, dressent le bilan des cinquante années d’indépendance et de réunification du Cameroun dans de nombreux secteurs de la vie nationale. La préface porte la signature du ministre de l’Enseignement supérieur et chancelier des ordres académiques, le Pr. Jacques Fame Ndongo.
Il ressort de la lecture de cet ouvrage que l’indépendance et la réunification sont le résultat des combats d’acteurs de l’époque qui avaient à cœur de restaurer l’identité Cameroun mise à mal par les différentes influences coloniales et néocoloniales. Plusieurs figures sont présentées, à savoir, entre autres, Kamdem Nyiyim, Abel Kingue ou encore Djoumessi Mathias qui ont participé à partir de leurs positions respectives à la « libération » du Cameroun. John Ngu Foncha est présenté par Suh Hilary Sama comme un grand artisan de la réunification des deux Camerouns. Il a contribué à la mise en œuvre de cette réunification à travers le parti politique qu’il créa, le Kamerun National Democratic Party (KNDP). Sa participation aux différentes conférences qui ont précédé la réunification, notamment celle de Foumban en juillet 1961, est également relevée par l’historien. L’identité Cameroun évoquée plus haut se traduit par un statut juridique colonial particulier. N’ayant jamais été formellement une colonie, le Cameroun a tout de même été administré comme telle. Cette identité s’est construite, selon Norodom Jean Bedel, en trois temps : la gestation, la parturition et la maturation. Malgré cette construction, certains freins empêchent la construction ardente de l’unité nationale. Parmi ces freins, Nodem Jean Emet analyse l’émiettement du territoire. Un émiettement qui se manifeste par une vision parcellaire du territoire et une orientation des activités de leaders chacun vers « son village ». Cette situation conduit, selon le sociologue, au « mal développement ».
D’un autre côté, les chercheurs réunis autour de ce livre dressent également le bilan économique du Cameroun cinquante années après l’indépendance à travers deux axes importants et complémentaires : l’agriculture et l’industrialisation. Les politiques agricoles ont évolué, des plans quinquennaux au sortir des indépendances avec une forte implication de l’Etat à la politique agricole en passant par la Nouvelle Politique agricole. A l’implication de l’Etat, s’est substituée l’implication de l’extérieur. En plus de cette implication, la conjoncture économique internationale ainsi que les défaillances du gouvernement ont produit des ralentissements importants sur le plan agricole. Et c’est pour pallier ces manquements qu’une formation des cadres supérieurs en agriculture est faite au Cameroun et dans la ville de Dschang depuis plusieurs décennies. Si cette formation agronomique connait plusieurs moments depuis 1960, c’est en 1977 avec la création du Centre universitaire puis, en 1993, suite au décret du 19 janvier 1993 portant création de l’Université de Dschang et, donc, naissance de la Faculté d’agronomie, que cette formation agronomique prit une autre envergure à partir de la ville de Dschang. Pour que l’agriculture donne des résultats satisfaisants, il faut qu’à côté de la formation, se greffe une industrialisation avancée.
Les communications de Pierre Samuel Nemb et Armand Noula d’une part et de Williams Pokam Kamdem d’autre part essaient de diagnostiquer ce secteur cinquante ans après. Il est clair que l’évolution industrielle durant les cinquante années précédentes a été marquée par des erreurs et des échecs mais également des avancées. L’un des grands freins au décollage industriel du Cameroun c’est l’extraversion caractérisée par des importations élevées. Pour un redéploiement effectif du secteur industriel, il faut, selon William Pokam, que la « somme des erreurs soit concrétisée en nouveaux essais ».
Dans un article en guise de conclusion, le Pr Charles Robert Dimi propose un plan en trois axes qui permettrait au Cameroun de tirer avantage de la mondialisation : une mise en cause critique de nous-mêmes, des investissements dans les domaines économique, financier, matériel et la solidarité avec les autres pays du sud. Il est urgent, plus de 50 ans après l’indépendance et la réunification de se remettre en cause pour mieux avancer. C’est, en tout cas, l’un des messages essentiels portés par cet ouvrage.