À chaque fois que je me rends à Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, j'entends dire que la téléphonie mobile convient à merveille à une société « nomade » comme la société mauritanienne, qu'elle permet de couvrir des zones où n'existe pas le réseau fixe, par exemple le long des routes ou dans les dunes où les familles aiment aller passer le week-end. J'entends aussi dire que l'Internet haut débit mobile, lorsqu'il sera proposé à des prix plus abordables et dans de meilleures conditions de qualité de service sur une plus grande partie du territoire, va susciter un engouement aussi important dans la population, notamment pour la transmission d'images et de vidéo ainsi que pour l'accès au contenu disponible sur le web. On peut d'ailleurs déjà faire réparer son smartphone ou sa tablette sur le marché de « Noghta Sakhina » (Point chaud) à Nouakchott.
Mais j'entends plus rarement parler des opportunités que les TIC apportent en termes d'emplois en Mauritanie, et notamment des emplois placés sous le signe de la créativité et de l'innovation et faisant appel à des méthodes de travail, d'interaction et d'apprentissage radicalement nouvelles qui séduisent la jeunesse. On observe par exemple partout dans le monde que les jeunes se distinguent par leurs capacités individuelles à coder et développer des solutions pour des applications, mobiles notamment, ce qui améliore leur employabilité car le développement de contenus multilingues est une des dimensions essentielles de la demande sur les réseaux à haut débit.
© Banque mondialeDans un atelier sur les TIC et l'Emploi, organisé le 28 avril dernier à Nouakchott par le Ministère de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et des TIC et animé par Dr. Houssein Ould Meddou, président du Syndicat des Journalistes Mauritaniens, nous avons présenté avec ma collègue Isabelle Huynh les nouvelles formes de créations d'emplois rendues possibles par les TIC. Nous avons pu y mesurer à quel point la jeunesse mauritanienne était prête à saisir les opportunités permises par les TIC. Parmi ces jeunes convaincus que les TIC sont une des solutions au problème de l'emploi dans leur pays (48% de chômage chez les femmes de 25 à 34 ans, 36% chez les hommes de la même tranche d'âge), Moustapha (dit Adi) Ould Yacoub et Mariem Kane.
Adi est un des membres fondateurs du Club pour les applications pour smartphone sur Android de Nouakchott : Mauriandroid. C'est un ingénieur de 27 ans qui a fait des études d'informatique à Tunis, où il a découvert les communautés de développeurs. Revenu à Nouakchott, Adi a pris l'initiative de créer en 2013, avec d'autres étudiants, Mauriandroid, qui s'est déjà illustrée dans l'African Android Challenge. Adi a aussi reçu le deuxième prix d'un challenge inter-maghrébin de développement d'applications sous Android organisé par Samsung-Tunisie avec une application dans le domaine de l'humanitaire. Il s'agit d'une interface entre le donateur et diverses associations en quête par exemple de fournitures d'écoles, de nourriture ou de vêtements. L'idée est simple, mais efficace.
Parmi les opportunités de développement dans le pays évoquées par ces jeunes développeurs figurent notamment les applications liées aux activités commerciales des entreprises mauritaniennes (par exemple à destination de la clientèle de passage, par rapport à l'hébergement proposé ou aux transports présents), mais également des besoins qui pourraient découler des projets de développement engagés par le pays (par exemple, en agropastoralisme ou en développement de la pêche). Adi est plein d'autres projets : il a monté le groupe des développeurs google mauritanien (Google Developers Group), il fait profiter d'autres jeunes de son expérience en donnant des cours gratuits d'informatique, il cherche à explorer, avec d'autres jeunes entrepreneurs, les potentialités du paiement mobile qui commence à se développer en Mauritanie…
Mariem est également convaincue du potentiel de création d'emploi que pourraient offrir les TIC dans ce pays. C'est une ingénieure réseau de 29 ans. Après avoir débuté sa carrière en France, elle travaille à présent pour un opérateur mauritanien : elle connaît donc bien son sujet. Après avoir rencontré en début d'année le Président de la République en compagnie de 400 autres jeunes lors de la manifestation « Jeunes : Vous êtes l'espoir », elle a décidé de faire avancer les choses en créant une « Association des jeunes RIM-TIC » et en interpellant les acteurs du secteur pour mettre en place un environnement plus favorable à l'innovation et à l'entrepreneuriat dans le secteur des TIC. Pour son association, une structure de type incubateur TIC serait particulièrement la bienvenue sur Nouakchott. Son engagement actif pour le développement de l'économie numérique dans son pays et sa compétence sont déjà reconnus puisque Mariem a été retenue pour participer à l'édition 2014 de l'initiative pour les jeunes leaders africains financée par les Etats-Unis.
Comment aider très concrètement Adi, Mariem et toute cette jeunesse qu'ils représentent ? Tout d'abord, en appuyant sans tarder leurs initiatives ! Une communauté de développeurs existe sur Nouakchott. Lors de l'atelier, les opérateurs ont salué ces talents et M. Mhamed Waled, président de la Fédération des Services et Professions Libérales (FSPL)- Union nationale du Patronat Mauritanien, a proposé d'offrir une récompense si un « hackathon » ou une compétition autour de nouvelles applications était organisé à Nouakchott. Cela fera deux ans en décembre 2014 que la nouvelle station d'atterrissement du câble Africa Coast to Europe (ACE) a été mise en service pour améliorer la connectivité Internet du pays : pourquoi ne pas saisir cet anniversaire pour que les entreprises du secteur des TIC organisent un tel évènement en Mauritanie ? Le gouvernement mauritanien va débuter cette automne l'étude de faisabilité (financée par le projet WARCIP Mauritanie) pour la construction d'un bâtiment de type point d'échange Internet / datacentre à proximité de l'Université de Nouakchott. Pourquoi ne pas associer l'Association des jeunes RIM-TIC dans l'expression de besoin et définir avec elle comment installer un espace de type incubateur dans ce bâtiment?
Ensuite en mettant en place, en partenariat avec la FSPL et en associant sites mauritaniens Internet spécialisés dans l'offre et la demande d'emploi (comme Beta Conseils ou Emploi Mauritanie), une typologie des profils TIC dont les entreprises ont besoin (par exemple : administrateur de bases de données, administrateur réseau, technicien helpdesk, etc.) pour permettre aux établissements de formation de concevoir des programmes adaptés et aux entreprises de proposer de manière plus systématique offres d'emploi et de stages. La nature des emplois TIC ne cesse d'évoluer, d'où la nécessité croissante de veiller à ce que les compétences des jeunes diplômés à la sortie de leurs études correspondent aux besoins des employeurs.
Enfin, en poursuivant les réformes nécessaires pour que, de manière générale, le fonctionnement du marché du travail s'améliore et que le climat des affaires encourage effectivement la création d'entreprises en Mauritanie.
La jeunesse mauritanienne se mobilise pour saisir les opportunités d’emploi permises par les TIC : il est temps de la soutenir !
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