C’est l’une des plus anciennes fêtes célébrées au Cameroun, depuis l’indépendance. Initiée par le président Ahmadou Ahidjo, la première édition de la fête de la jeunesse fut célébrée le 11 février 1966. Elle fut lancée par Félix Tonyé Mbock, ministre de la Jeunesse de l’époque. Pour le premier président de l’Etat du Cameroun, qui considérait que les jeunes sont «le fer de lance de la Nation», il était question que cette tranche d’âge prenne conscience du rôle important à jouer dans la vie socio-économique et politique de son pays, de manière à participer activement au développement.
Pendant plusieurs années, les activités autour de la fête de la jeunesse s’étendaient sur un mois. De nos jours, elles sont réduites à une semaine, pour ne pas perturber les emplois de temps des élèves et des étudiants. Sept jours pendant lesquels les jeunes scolaires et universitaires sont appelés à montrer leurs prouesses culturelles et sportives. Comme chaque année, un thème a été choisi par le ministère de la Jeunesse et de l’éducation civique (Minjec) pour le 11 février 2014: «Jeunesse, patriotisme et promotion de l’intégration nationale». Autour de celui-ci, l’on prévoit dans les établissements scolaires et universitaires du pays, des rencontres pour discuter de certains aspects sociopolitiques du pays. Le véritable problème est que, contrairement à ce qui avait été fait pendant plusieurs années, la fête de la jeunesse s’est plutôt transformée en un grand moment de jouissance et de réjouissances, autant pour les jeunes, concernés au premier chef, que pour l’ensemble de la population. Si le développement des aptitudes sportives et culturelles chez les jeunes est une nécessité, il n’en demeure pas mois que le sport et la culture ont complètement absorbé les réflexions d’antan, sur les problématiques de la vie sociale. Combien d’établissements scolaires organisent encore des débats pendant cette semaine de la jeunesse? Et quand bien même ils sont organisés, les élèves y participent-ils? Au niveau de l’enseignement supérieur, les débats, ateliers, tables-rondes et autres existent, mais ne sont pas aussi courus qu’avant.
Le privilège est donné aux compétitions sportives, d’ailleurs sponsorisées par de grandes entreprises qui snobent l’organisation des discussions thématiques. Les kermesses battent leur plein, où les jeunes scolaires, étudiants et autres se déversent sur les places publiques pour… faire la fête, sous le regard bienveillant de leurs encadreurs. Pour ce qui est des prestations culturelles, elles se limitent, de plus en plus aux concours de beauté et de danse, aux interprétations musicales, etc. Rares sont les endroits où l’on organise des concours sur la production des œuvres de l’esprit. Et quand la soirée de gala est là – généralement un ou deux jours avant le 11 février – les jeunes se lâchent. Ils auront ainsi passé une semaine à entendre parler de leur fête, mais plus des trois quarts ne sauront vous donner ne serait-ce que l’énoncé du thème de cette année.
Les pouvoirs publics, quant à eux, auront passé le temps à organiser des cérémonies officielles, sous les flashes des caméras. Après Maga dans l’Extrême-Nord, Woum dans le Nord-Ouest, c’est Ngoela qui accueille jeudi 6 février, la troisième cérémonie de lancement officielle de la semaine de la jeunesse. Trois villes, trois régions et… trois budgets faramineux. Le folklore est planté. De multiples groupes de danse appelés à la rescousse. Puisque rien n’est dit de manière concrète pour l’épanouissement des jeunes, ni sur les problèmes auxquels ils sont confrontés. Du moins, jusqu’au traditionnel discours du président de la République – que les jeunes suivent au hasard d’un passage dans une gargote – qui viendra encore leur verser une litanie de promesses renouvelées depuis plus de deux décennies. En somme, une semaine de joie et de folklore. Qui sera clôturée, comme on le sait, par les fameux défilés au boulevard du 20 mai et dans toutes les localités du pays.