Ce sera bientôt une énième fête de la jeunesse qui va occasionner de grosses dépenses, mais pour célébrer quoi ? D’après le Bureau Central des Recensements et des Etudes de Population (BUCREP) « La structure par âge de la population du Cameroun est encore marquée par son extrême jeunesse. La moitié de la population a moins de 17,7 ans et le poids démographique des enfants âgés de moins de 15 ans se situe à 43,6 %. Les personnes âgées (60 ans et plus), qui représentent (5,5 %) de la population totale du pays, sont particulièrement plus représentées en milieu rural (6,5 %) qu’en milieu urbain : (3,4 %) » (http://www.statistics-cameroon.org). On a pris l’habitude de présenter la jeunesse comme la plus grosse victime des turpitudes politiques qui minent le Cameroun. Et avec raison ! C’est une jeunesse durement frappée par le chômage et le sous-emploi, des facteurs importants de précarité et de désorientation sociale. Un jeune qui ne travaille pas a du mal à planifier sa vie. L’informel économique qui absorbe des milliers de nos jeunes aujourd’hui engendre des vies informelles, des vies exposées par l’impératif de survie aux abus de toutes sortes. Bref, c’est une jeunesse crucifiée par l’égoïsme et le manque de vision d’une poignée d’adultes et de vieillards aux affaires. Mais, surtout, c’est une jeunesse qui ignore son vrai pouvoir ! Elle peut arrêter de subir, elle le veut. Il est temps que la jeunesse camerounaise passe de la victimisation à la responsabilisation.
Imposer son rythme à la vie politique
Après avoir repris la litanie des misères de notre jeunesse, il convient, en effet, de reconnaître qu’elle s’est laissée écraser parce qu’elle ignore le pouvoir qu’elle détient, celui de faire et de défaire ses gouvernants si elle le veut. Malheureusement elle n’a pas encore pris conscience de son vrai pouvoir démocratique. Pourtant il suffit qu’elle consente à tirer les conséquences politiques du fait que la population camerounaise « est marquée par son extrême jeunesse » et à assumer ses responsabilités. Il faut impérativement que la jeunesse camerounaise s’engage en politique pour que se renouvelle la classe politique camerounaise, y compris au sein de l’opposition. Elle commet une erreur fatale en l’abandonnant à quelques vieillards usés par le pouvoir et complètement déconnectés de ses réalités. Après 80 ans peut-on encore vraiment comprendre les problèmes d’un jeune de 18 ans ? Générations différentes, mondes différents, préoccupations différentes !
En tant que composante majoritaire de la population, la vie politique camerounaise devrait vibrer au rythme des jeunes. La décennie en cours va être celle d’une transition politique importante au Cameroun après un long règne sans partage. C’est une opportunité que la jeunesse doit saisir pour renouveler la classe et la pratique politiques au Cameroun. De quel pouvoir dispose effectivement la jeunesse camerounaise qui semble avoir démissionné de la politique suite à l’incohérence de la vieille opposition et la mauvaise volonté du régime en place ? Il lui faut valoriser le fait qu’elle constitue la majorité de la population et représente de ce fait une grande force démocratique. D’une part, s’il s’agit d’engendrer la nouvelle opposition et d’autre part se constituer en une armée électorale capable d’imposer son rythme à la vie politique camerounaise. Elle doit apprendre à articuler ses besoins et à défendre ses intérêts sur le champ politique ou à les imposer à tout prétendant à la magistrature suprême. La jeunesse camerounaise est un pouvoir qui s’ignore et la solution à sa crucifixion se trouve entre ses mains. C’est l’unité à travers une forme d’alliance entre les organisations et associations de jeunes du Cameroun et de la diaspora qui fera sa force. Mais elle n’est possible que si ces structures consentent à relativiser leur souveraineté, voire un certain nombrilisme adossé aux égos surdimensionnés, pour coopérer sur des problèmes d’intérêt commun. Sur ce plan organisationnel, la jeunesse camerounaise est pour le moment informe et c’est l’une de ses faiblesses. Elle manque de visibilité politique.
Eviter le piège de la violence
L’expérience d’autres pays a montré que le remplacement d’un régime par un autre n’est pas une panacée. Nous voici à l’aube d’une transition politique qui va s’opérer au Cameroun. La question du départ ou non du Président Biya ne se pose plus ; il partira ! Et après quoi ? Il nous faut œuvrer pour une transition politique démocratique, non-violente et impulsée de l’intérieur. La vigilance s’impose et l’alerte à la manipulation doit être déclenchée. Par exemple, ce sera bientôt la fête de la jeunesse et le chef de l’Etat ne manquera pas de s’adresser de façon insolite comme par le passé à une jeunesse crucifiée dont la démission politique ne peut s’expliquer que par la perte de confiance en son système politique. Il redira certainement que la jeunesse est le fer de lance de la Nation, le Cameroun d’aujourd’hui et de demain. Est-ce normal que dans un pays où la moitié de la population a moins de 18 ans, l’âge électoral soit fixé à 20 ans ? Pourtant à 18 ans aujourd’hui, beaucoup de nos jeunes commencent leurs études universitaires. Comment peut-on refuser le droit de participation politique à un étudiant ? Pourquoi s’étonner que ces jeunes se sentent exclus de la vie politique au profit des personnes âgées qui ne représentent pourtant que près de 5,5% de la population ? C’est dès maintenant que les jeunes qui sont en âge de voter doivent s’inscrire massivement sur les listes électorales afin de participer aux prochaines élections présidentielles qui peuvent intervenir d’un moment à l’autre. Au moment où le régime en place renforce sa machine de répression à travers le recrutement massif au BIR et les nominations curieuses à la police, c’est dès maintenant qu’il faut plutôt constituer l’armée électorale qui va opérer dans les années à venir la révolution démocratique tant rêvée dans un pays pacifique. La seule arme de la jeunesse devra être son bulletin de vote ! Un Camerounais ne doit pas tuer un Camerounais à cause de la politique ! Cette violence ne profite qu’à une poignée de politiciens assoiffés de pouvoir et prêts à verser le sang humain pour le conquérir ou se maintenir. La jeunesse doit refuser la manipulation ou l’instrumentalisation de sa frustration et de sa misère pour la violence politique. Elle doit elle-même s’organiser pour devenir un acteur politique.
Militer pour la reforme du système électoral
La démocratie camerounaise a à peine décollé faute d’un dispositif électoral démocratique, équitable et consensuel. Par exemple, est-ce normal qu’avec la pléthore de candidats qui se présentent aux élections présidentielles au Cameroun, notre législation électorale ne prévoit pas une élection à deux tours ? Le Cameroun mérite mieux ! Et c’est maintenant qu’il faut réclamer les reformes qui s’imposent pour éviter les précipitations et improvisations de dernière minute susceptibles d’exposer notre pays aux violences électorales. Les forces de régression sociale au Cameroun n’ont qu’à bien se tenir car la jeunesse va se lever. C’est une jeunesse qui aspire à la responsabilité et qui attend du Président de la République et des élus que l’âge électoral soit baissé à 18 ans pour qu’elle puisse participer massivement au choix de ses gouvernants.
Les auteurs de cette tribune sont membres de l’Internationale Camerounaise (InterCam) qui est un mouvement citoyen qui milite particulièrement pour une transition politique démocratique et non violente au Cameroun, une transition menée essentiellement par les jeunes et par les urnes. Elle prône l’action non-violente pour la reforme de notre dispositif électoral parce qu’elle est convaincue que c’est la condition de possibilité d’une transition responsable au Cameroun. Il nous faut faire œuvre de responsabilité historique pour prévenir les violences électorales qui ont causé beaucoup de souffrances humaines en Afrique et qui ne feraient qu’aggraver la croix des Camerounais. Internationale Camerounaise (InterCam) a initié à cet effet une pétition accessible sur https://13873.lapetition.be/ L’InterCam appelle à la mobilisation de tous les Camerounais qui partagent la même morale politique et se propose, en collaboration avec d’autres forces démocratiques, d’utiliser toutes les méthodes de pression légitimes que le ciel, la raison et l’opportunité inspireront pour atteindre cet idéal d’un Cameroun plus juste et plus démocratique.
Martin Luther King disait : « Notre génération ne doit pas se reprocher seulement les actes et les paroles au vitriol des méchants, mais aussi l’effrayant silence des justes. Nous devons admettre que le progrès de l’humanité ne roule jamais sur les roues de l’inéluctabilité. Il n’est amené que par les efforts inlassables et persistants des hommes qui ont la volonté de collaborer à l’œuvre de Dieu. Sans ce dur labeur, le temps lui-même devient l’allié des forces de stagnation sociale. Il nous faut user du temps dans un esprit créateur et bien comprendre que le temps est toujours venu d’agir dans le bon sens. C’est maintenant qu’il faut honorer les promesses de la démocratie et transformer notre sempiternelle élégie nationale en un psaume à la fraternité. Le moment est venu de tirer notre politique nationale des sables mouvants de l’injustice (…) pour la hisser sur le roc solide de la dignité humaine ».
Le pouvoir de la Jeunesse Camerounaise
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